mercredi 6 avril 2016

Entretien avec Michel Steinmetz (1)

Il est l'auteur du livre de référence sur le sujet :  "Chartreuse : Histoire d'une liqueur - Guide de l'amateur" aux éditions Glénat. Ouvrage qui soit dit au passage, a non seulement constitué une importante source d'information pour ce blog, mais aussi qui n'y est pas pour rien dans son lancement.
Michel Steinmetz a eu la gentillesse de répondre à nos questions pour un entretien en trois parties au sujet de son livre et de sa démarche.
 
Pouvez-vous nous dire d'où provient votre intérêt pour la Chartreuse ?
En revenant de Tahiti où j'avais passé mon adolescence, je me suis inscrit à la fac de Médecine de Grenoble et j'ai eu la chance d'être accueilli par mon oncle qui avait la bonne habitude de clore les repas par une petite Chartreuse. Rapidement, j'ai découvert toute la gamme de liqueurs des Pères Chartreux en visitant souvent les caves de Voiron. J'ai assisté au lancement de la neuvième centenaire en 1984, que j'ai tout de suite adoptée comme rapport qualité-prix incroyable (j'étais étudiant et assez pauvre à l'époque). Durant mon internat, j'ai côtoyé Isabelle Paturle dont le père était au conseil d'administration de Chartreuse Diffusion. Pour me faire plaisir, elle m'a offert une cruche remplie de VEP : quel bonheur!
Au début des années 1990, en fréquentant les nouvelles Galeries à Grenoble, je vois une bouteille « d'Eau-de-vie Chartreuse » avec sa sublime capsule bleue : je l'achète environ 1000 F, content d'avoir déniché une perle rare. Quelques jours plus tard, lors d'une énième visite aux caves, je constate qu'elle est également en vente au prix de 400 F. Je vais donc au service commercial pour demander une explication et très gentiment, ils me proposent de m'offrir une "Tarragone" (ils venaient de faire revenir les stocks d'invendus et les proposaient pour la somme de 500 à 750 F). Je décide donc de prendre une Tarragone 1962 jaune (mon année de naissance) et là : émerveillement! La Chartreuse continue à vieillir dans la bouteille et exprime des parfum d'épices et d'herbes aromatiques qui évoluent au fil du temps passé dans le verre! C'est tout simplement "magique". Comme j'étais fauché, j'ai juste réussi à acheter une "verte 1968" avant que certains restaurateurs ne se constituent des réserves et tarissent cette source bénite...
En résumé, je suis tombé dedans étant petit, mais j'ai encore le droit d'en boire!

Et d'où est venue l'idée du livre chez Glénat ?
Vers 2001, j'ai cherché à dénicher un livre qui expliquerait l'histoire de cette liqueur d'exception et je n'ai trouvé que des articles épars. En me renseignant un peu plus, j'ai appris que le fromager caviste François Blanc Gonnet de la Laiterie Bayard avait un projet de livre sur le sujet avec un ami photographe, mais qu'hélas son comparse était décédé et que lui-même ne trouvait pas le temps de s'y mettre. Ma conclusion a été rapide: cette liqueur mérite un livre et je vais m'y atteler. J'ai eu la chance de pouvoir compter sur les relectures de Dom Benoit, le père Chartreux en charge de la distillerie, qui, tout en préservant jalousement le secret me donnait quelques renseignements pour préciser certains points au milieu d'une histoire tumultueuse. Car l'aventure du manuscrit est un véritable thriller, un roman policier truffé de rebondissements.
Au bout de deux ans de recherches, des archives départementales de l'Isère à celles de Marseille en passant par Tarragone et les archives nationales de Paris, je suis allé trouvé Jacques Glénat, déjà éditeurs de plusieurs ouvrages sur les Chartreux. Je voulais travailler avec lui et connaissait son amour pour les vins et le Chartreuse. En cinq minutes, l'affaire était conclue et il m'orientait vers une de ses collaboratrices pour mettre le livre en forme.
A suivre...